En fait, la véritable origine de ce grand projet de restitution complète de l’abbaye vient d’une demande en 2012 du Prieur actuel de l’Abbaye.

L’église abbatiale étant aux 2/3 détruite et sa toiture à 100 %, son usage cultuel est évidemment impossible. A leur retour à l’Abbaye en 1978, les moines vont donc utiliser comme chapelle la salle capitulaire récemment restaurée. Comme dans toute abbaye romane du XIIème siècle, la salle capitulaire ou salle du chapitre, est le lieu où la communauté monastique se réunit quotidiennement pour y discuter de tous les affaires la concernant. Il ne s’agit donc pas d’un lieu cultuel mais c’est aujourd’hui le lieu le plus approprié pour la célébration des offices en attendant la restitution de l’église abbatiale.

Or, la salle capitulaire, située au centre de l’aile EST de l’Abbaye, ne dispose que d’une entrée donnant sur la galerie – EST également bien entendu – du cloître. Mais, à l’abbaye de La Grainetière, cette galerie est a disparu. Aussi, quand il pleut, les moines entrent et sortent de la chapelle sous la pluie. Outre l’inconfort, cette situation est de nature à fragiliser les coules monastiques (vêtements à capuche des moines) et les autres vêtements liturgiques.

Dans les années 90, la Conservation des Monuments Historiques avait été consultée pour savoir s’il était possible de percer une ouverture dans le mur sud de la salle capitulaire, donnant sur le « passage aux champs », espace couvert donnant lui-même sur les lieux de vie du prieuré. Fort justement, l’autorité de tutelle des Monuments historiques ne donna pas son accord à la réalisation d’une telle amputation incongrue, jamais vue ailleurs et donc inconcevable dans une salle capitulaire du XIIème siècle.

En 2012, le Prieur demanda donc à l’Association Immobilière de La Grainetière, propriétaire de l’Abbaye, s’il serait possible de reconstruire la galerie EST du cloître pour permettre aux moines sortant du Prieuré par le passage aux champs pour aller à la chapelle, de l’atteindre par le cloître et donc, à l’abri.

C’est ainsi qu’est née l’idée, non pas de reconstruire la galerie EST mais d’en restituer le volume en évitant de faire un « copier-coller » de l’admirable galerie OUEST du XIIème siècle, tout en granit, située en face. En effet, l’œil ne doit pas être trompé ni même troublé en regardant l’une et l’autre galerie : il doit d’emblée distinguer le vrai du faux. A l’ouest, le vrai ; à l’est le restitué. Dans cette optique, Jacques BOISSIERE, architecte des bâtiments de France et ancien directeur du Service départemental de l’architecture et du Patrimoine de la Vendée nous a parlé de la galerie reconstituée il y a quelques décennies à l’Abbaye de TRIZAY en Charente-Maritime. Il s’agit là-bas d’une très belle et très sobre réalisation qui s’intègre parfaitement à l’existant. Il s’agit de la restitution d’une partie de la galerie sud portée par des poteaux en bois.

C’est cette idée que nous voulons reproduire à l’Abbaye de La Grainetière, ce qui, en plus, permettra de répondre à la charpente de même style de la loggia créée au XXème siècle au-dessus de la galerie ouest, en face.
La longueur de la galerie est de 35 m. Les corps de métiers qui devront intervenir ne sont qu’au nombre de 4 : charpentier, couvreur, tailleur de pierre pour le petit muret, électricien (pour l’éclairage de la galerie).
Et nous avons décidé de lancer simultanément l’étude de la restitution de la galerie est ET de la galerie NORD. En effet, la galerie nord pourra s’appuyer facilement, comme au XIIème siècle, sur le mur sud INTACT de la nef de l’église abbatiale.

La conservation intégrale de ce mur sud de la nef résulte d’un incroyable concours de circonstances (voir la frise historique) : en effet, les propriétaires du début du XIXème siècle ont eu l’idée (d’ailleurs saugrenue) de construire, pour leurs fermiers, une maison dans la cour-même de l’abbaye, en l’adossant au mur sud de l’abbatiale.

Quand, quelques années plus tard, l’église fut démontée méthodiquement et tranquillement en dehors de tout contexte de guerre, dans but d’en recycler les pierres, il fut bien entendu impossible de toucher au mur sud sous peine de faire s’écrouler la maison adossée !

Et c’est ainsi qu’en 1969, quand cette « maison-verrue » disparût enfin de la cour, on pût voir et admirer, pour la première fois depuis 150 ans, ce mur sud intact de la nef de l’abbatiale.